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Particules fines : l’Aquitaine respire-t-elle bien ?

Arcachon, ses plages, ses paysages, son cadre de vie… Et ses particules fines. De 2010 à 2012, leur taux a doublé dans la commune, une hausse record dans la région. État des lieux des particules fines qu’inhalent vos poumons, à l’aide des données sur la qualité de l’air en Aquitaine. Une question dans l’air du temps en plein débat sur l’alourdissement des taxes sur le diesel.

Retrouvez sur cette carte les différentes stations présentes en Aquitaine. Cliquez sur les stations pour voir le détail de l’évolution de la teneur en particules fines depuis 2000. Les stations en vert respectent le seuil de l’OMS en 2012 (sous les 20 microns par mètre cube d’air). L’air mesuré dans les stations en jaune contenait entre 20 et 30 microns par mètre cube d’air de particules fines, celles en rouge flirtaient avec le seuil européen (30 à 40 microns par mètre cube d’air). Pour l’année 2012, les données des stations en bleu étaient indisponibles.

Si c’est à Arcachon que le taux de concentration de particules fines a doublé en deux ans, c’est l’agglomération bordelaise qui est la plus exposée, suivie par la conurbation Bayonne-Anglet-Biarritz. A contrario Périgueux est la ville la plus épargnée par le polluant parmi les territoires étudiés par l’AIRAQ, l’organisme chargé de mesurer la qualité de l’air en Aquitaine. Missionné par l’État au sein de la fédération ATMO (Fédérations des associations de surveillance de la qualité de l’air), il est chargé de recueillir des données mesurées dans 19 stations réparties dans une dizaine de communes de la région.

Arcachon et Mérignac, deux cas marquants

La très forte hausse de la concentration de particules fines à Arcachon est due  « aux travaux dans le centre-ville, émetteurs de poussières et responsables de bouchons », explique Sylvanie Chamaillard, membre de l’AIRAQ. Contactées, la mairie d’Arcachon et la communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon n’ont pu nous apporter d’explication ni de solution. Mais les travaux ont pris fin en 2012, les Arcachonnais devraient respirer moins de particules cette année.

A Mérignac les travaux d’extension de la ligne de tramway provoquent de fréquents pics de pollution. Michel Ranson, conseiller délégué à la prévention et à la sécurité publique à la mairie, explique que « la proximité de la rocade est la source majeure de pollution ». Lorsqu’on évoque avec lui les solutions possibles il est catégorique : rien ne peut être fait à l’échelle de la commune. « Il faut agir au minimum au niveau de la CUB pour pouvoir prendre des mesures significatives de réduction de la pollution ».

D’où proviennent les particules fines ?

Les particules fines sont principalement émises par les véhicules, en particulier par les diesels. L’industrie et le chauffage produisent également une forte quantité de particules en suspension. Sarah Le Bail, ingénieur d’étude à l’AIRAQ justifie ces émissions : « On observe fréquemment des niveaux très élevés dans les grandes agglomérations et sur les axes routiers. Mais le chauffage au bois est aussi en cause ». Selon un rapport d’AIRPARIF, les émissions de polluants atmosphériques du secteur résidentiel issues de la combustion du bois pour les usages de chauffage principal et d’appoint sont le plus grand contributeur aux émissions de PM 2,5. On l’évalue à un quart des émissions en Aquitaine.

Quelles limites pour les particules fines ?

Deux seuils, pour deux conceptions de la dangerosité des particules en suspension. La législation française fixe depuis 2010 une limite à la concentration des particules dans l’air, calquée sur les directives européennes. En Aquitaine la norme annuelle est respectée par toute les villes en dehors d’Anglet où il est atteint en 2002. Les normes de l’OMS, fixées en 2005 et deux fois plus strictes, sont dépassées dans la plupart des agglomérations.

Seuls Périgueux et Agen parviennent à se conformer au seuil de l’organisation internationale. Au sein de l’agglomération bordelaise, Floirac et le Grand Parc flirtent avec la limite, mais l’air y est bien plus sain qu’ailleurs dans la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB). Pour Sylvanie Chamaillard, « le seuil fixé par l’OMS est volontairement sévère afin de pousser les pays à adopter des démarches plus restrictives. L’AIRAQ en tient compte mais à titre indicatif, comme une sorte de référence ».

Les deux références sont fixées à partir de tests ou d’études épidémiologiques et toxicologiques. Ces seuils ont pourtant leurs limites. Jennifer Maherou, chargée de la documentation scientifique à l’Association Santé Environnement explique « qu’ils ne prennent en compte qu’un seul polluant à la fois. Les particules fines ne sont pas les seules substances à poser problèmes. Il y a une dizaine d’autres polluants dans l’air. Mais les particules fines restent les plus dangereuses « .

Ces normes ne sont pas une science exacte mais ils peuvent servir de référence. L’étude Aphekom publiée en 2011, projet européen qui évalue l’impact sanitaire et économique de la pollution montre que si la valeur guide de l’OMS était respectée pour les PM 2,5 nous pourrions gagner 6 mois d’espérance de vie dans une ville comme Paris et 8 à Marseille.

Quelles mesures en cas de pic de pollution ?

En cas d’épisode de pollution, deux niveaux de procédure peuvent être appliqués par l’AIRAQ :

  • Le premier est le seuil d’information et de recommandations. Ce niveau de procédure est déclenché à partir d’un certain seuil de concentration de particules fines (ou d’autres polluants), fixé réglementairement par l’AIRAQ. Il provoque la mise en œuvre d’actions d’information à l’ensemble de la population, ainsi que des préconisations sanitaires pour les personnes les plus vulnérables (personnes âgées, enfants en bas âge, personnes souffrant d’une pathologie cardiaque ou respiratoire, etc.). Les émetteurs de polluants susceptibles de contribuer à la hausse de la concentration de particules fines dans l’air (automobilistes, particuliers utilisant le chauffage au bois, industriels, etc.) peuvent faire l’objet de recommandations.
  • Le second niveau de procédure est le seuil d’alerte. Il correspond à un niveau de concentration du polluant au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque de dégradation pour la santé de l’ensemble de la population ou pour l’environnement. Des mesures de restriction ou de suspension de certaines activités polluantes sont alors instaurées.

Mise en œuvre de la procédure d’alerte : l’AIRAQ envoie un message sur les conditions d’atteinte (ou de prévision) du seuil d’alerte au Préfet. La Préfecture se charge alors de diffuser un message aux médias, collectivités et représentants de l’État, qui se chargent alors d’informer et d’avertir la population.

Quels effets sur la santé ?

Dangereuses, les particules fines peuvent avoir plusieurs effets néfastes sur la santé. Même s’il est impossible de quantifier le nombre de particules à partir duquel l’organisme est en danger, ces polluants restent un fléau. « Les particules fines peuvent provoquer des altérations de la fonction respiratoire, en particulier chez l’enfant et ainsi provoquer de l’asthme. Elles peuvent également entraîner une irritation des voies respiratoires inférieures, des effets mutagènes et cancérogènes et une mortalité prématurée ».

En France, les particules fines sont responsables de 42 000 décès prématurés chaque année », affirme Jennifer Maherou. Plus les particules sont petites, plus elles sont dangereuses. Ainsi, les particules PM2,5 sont plus nocives que les PM10. La représentante de l’association santé environnement France explique pourquoi : « Les particules plus petites pénètrent plus facilement et plus profondément l’appareil respiratoire, jusqu’à atteindre les poumons. Elles peuvent traverser la membrane pulmonaire et se retrouver dans le sang. De là, elles peuvent aussi avoir un impact sur le système cardio-vasculaire (augmentation du risque d’infarctus, d’AVC, etc.). » Les particules fines, un des polluants les plus nocifs, sont responsables d’environ 40000 décès par an en France, selon les chiffres de l’OMS.

Yoann Boffo, Rachid Majdoub et Jean-Yves Paillé

Vous pouvez encore consulter le site du datajournalismelab de 2012. Outre les productions des étudiants, vous y trouverez des documents visant à partager les expériences et la réflexion des nombreux acteurs de ce laboratoire autour d’un modus operandi de la formation au datajournalisme.